Lettre ouverte aux antivaccins : pourquoi suis-je en colère ?
Je m’appelle Jean-Hugues Dalle, je suis professeur de pédiatrie à la faculté de médecine de l’université Paris 7-Paris Diderot et à l’hôpital Robert-Debré. Je fais partie de l’équipe d’hémato-immunologie où je suis en charge de l’unité de greffes de moelle. Cela signifie qu’avec l’ensemble de l’équipe médicale et paramédicale du service, nous prenons soin d’enfants atteints de maladies graves mettant souvent en jeu leur vie.
Les plus fréquentes sont les leucémies. Tous les ans, dans notre pays, environ 500 enfants sont atteints par cette forme de cancer. En 2017, personne ne peut expliquer pourquoi cette maladie apparaît. Le traitement va consister en de la chimiothérapie pendant plusieurs mois et parfois plusieurs années et, pour les formes les plus agressives, en une greffe de moelle. Nous utilisons la greffe également chez des enfants atteints
« Parce que les vaccins sont des médicaments, ils peuvent avoir des effets secondaires mais ceux-ci sont très rarement graves »
d’autres types de maladie grave tels que la drépanocytose ou les aplasies. Pendant toute cette longue période de traitement, ces enfants malades sont très sensibles aux infections et la vaccination de tout leur entourage - connu (familles, amis) ou inconnu (voisinage, camarades d’école, personnes croisées dans la rue ou à l’épicerie) - est un facteur très important de leur devenir. À l’issue de la chimiothérapie, il est fréquent que l’immunité vaccinale de nos petits patients ait été perdue. C’est toujours le cas après une greffe, quelle que soit la maladie sous-jacente. Il faut alors reprendre une vaccination, le plus souvent comme chez un nourrisson.
Il arrive, rarement, que certains parents s’en étonnent ou s’y opposent. Ma réponse dans ce cas-là est simple: «Rien ni personne ne pouvait éviter la leucémie, l’aplasie ou la drépanocytose de votre petit garçon ou de votre petite fille. Il ou elle aurait pu en mourir. Après une telle épreuve, ne prenez pas le risque qu’il ou elle meure ou ait de graves séquelles à cause d’une maladie infectieuse pour laquelle il existe un vaccin efficace. Mourir d’une méningite bactérienne, d’une grippe ou rester gravement handicapé après une encéphalite rougeoleuse lorsqu’on a eu la force de subir une chimiothérapie et/ou une greffe et d’y survivre, ce serait absolument horrible.»
C’est pour cela que je m’adresse à tous les anti-vaccins, vous qui avez la chance d’avoir des enfants en bonne santé: ne jouez pas, ne pensez pas que la maladie, c’est toujours pour l’autre. Nous continuons à voir mourir des enfants de la rougeole, des nourrissons de la coqueluche. Mes collègues de neurologie continuent à prendre en charge des enfants atteints d’encéphalopathies sévères (grave handicap moteur et mental) après des méningites. C’est tellement injuste quand on sait que ce sont des maladies évitables.
Parce que les vaccins sont des médicaments, ils peuvent avoir des effets secondaires mais ceux-ci sont très rarement graves et il y a
infiniment moins de «victimes» des vaccins que de victimes d’accidents de la route, d’accidents domestiques ou d’enfants asthmatiques du fait du tabagisme passif. Je ne cherche pas à nier ces effets secondaires mais simplement à les mettre en perspective.
Je tiens à signaler que je suis moi-même largement vacciné: contre le tétanos, la coqueluche, la diphtérie, la poliomyélite, la rougeole, l’hépatite A, l’hépatite B, le méningocoque C, le choléra, la fièvre jaune et la grippe.
Je ne me fais pas offrir mes vaccins par quiconque et vais les acheter à la pharmacie.
Par ailleurs, je ne participe à aucun conseil scientifique de laboratoire pharmaceutique autour des vaccins.
Je suis simplement un médecin clinicien investi dans la prise en charge de «ses» patients très malades. Je suis très triste lorsque l’un d’eux vient à mourir de la maladie qu’il n’a pas demandé à avoir. Et je suis très très en colère quand je vois mourir ou être handicapé un enfant à cause d’une maladie infectieuse évitable, en raison des croyances erronées et de l’égoïsme des adultes qui l’entourent.
C’est pour cela que je soutiens avec énergie et conviction le projet de Mme la ministre de la Santé de rendre obligatoire un plus grand nombre de vaccins. Depuis leur apparition, les vaccins améliorent la santé de l’ensemble de la population: les vaccins nous protègent et protègent ceux qui ne peuvent être vaccinés. Félicitons-nous, ensemble, d’être dans un pays où les autorités publiques sont soucieuses de l’amélioration de notre niveau global de santé et sachons être solidaires des plus fragiles.